Sâmkhya et Yoga
voir article « les textes traditionnels de l’Inde »
Photo Claude Fromont
Se référer à la cosmologie, à la psychologie et à la voie de salut exposées par le Sâmkhya éclaire la nature du yoga.
Le Sâmkhya est dualiste, mais il déplace la dualité corps-esprit, à laquelle nous sommes habitués en occident. Il y a continuité entre le corps et l’esprit, et en travaillant sur le corps on travaille sur l’esprit, et réciproquement, ce qui n’est pas étonnant, puisque c’est tout un au sein de la manifestation.
La dualité se situe entre « PURUSHA » et « PRAKRITI » :
- Purusha : c’est le Soi, la Conscience, témoin pur et impassible, qui, comme le dieu aristotélicien, meut sans être mû et, dans son immobilité, suscite téléologiquement, à la manière d’une cause finale (le désir ?) le mouvement de manifestation de la matière.
- Prakriti : c’est la nature, la matière. Téléologiquement émue, et mue, par Purusha, elle commence à se manifester par la mise en mouvement des trois modalités qui la constituent (les trois gunas : sattva, rajas, tamas). Ce que nous appelons « esprit » (nos pensées, intuitions, émotions, volitions) est encore matière, tout comme nos organes sensoriels et nos organes d’action, même si cette matière est plus subtile que celle qui compose les cinq éléments : éther, air, feu, eau, terre, qui s’engendrent du plus subtil au plus grossier.
C’est l’ignorance, l’indistinction, la non-discrimination entre le Soi et la nature manifestée qui est la source de toute souffrance. Nous participons en effet de la Prakriti comme composé individué, indissolublement somatique, psychique, mental, émotionnel, intellectuel, mais aussi du Purusha, la pure Conscience. Mais nous ignorons notre dimension de pure Conscience: nous ignorons le miroir, obnubilés que nous sommes par les images qui s’y reflètent (pensées conscientes et inconscientes, émotions, constructions intellectuelles, intuitions spirituelles même).
La délivrance vient donc de la distinction - et de la dissociation - entre le Soi de la Conscience et les états mentaux et émotionnels du « moi ». C’est précisément le sens même des pratiques du yoga.
Patañjali montre que l’état de yoga peut être défini comme la restriction des états mentaux troubles et conditionnés du moi, auxquels on cesse progressivement de s’identifier, pour retrouver en soi l’étincelle de Conscience pure, transparente, absolue, universelle.
Le célèbre sûtra 2 du chap.1 de Patañjali définit ainsi en son essence l’état de yoga : Yogashchittavrittinirodhah, c'est-à-dire « le yoga est la stabilisation des tourbillons du mental ». (article les vritti ).
Il s’agit par le travail sur le corps, le souffle, de stabiliser le mental, et de remonter degré par degré l’échelle de la manifestation, du plus grossier au plus subtil, de la périphérie au centre, jusqu’à atteindre le principe non-manifesté, le Soi au centre de soi.(article "vision indienne du corps")
C’est aussi la « traversée intérieure des trois corps » jusqu’au Centre intérieur et universel dont parle le tantrisme, et que symbolisent yantra et mandala. (article "mandala")
Au terme de ce voyage intérieur, la Conscience–témoin a cessé de s’identifier au flux tourmenté de la vie psycho-physique.
C’est la délivrance à laquelle visent les huit étapes décrites par Patañjali, l’Ashtânga-yoga ou Raja yoga (sûtra 29 du chap.2 : yama – niyama – âsana – prânâyâma - pratyâhâra- dhârana – dhyâna - samâdi) .
Quelques références bibliographiques:
- Marc Ballanfat « introduction aux philosophies de l’Inde », « vocabulaire des philosophies de l’Inde ». (Ellipses).
- Mircéa Eliade. « Patañjali et le yoga » (maîtres spirituels)
- Tara Michaël «Introduction aux voies du yoga » (éditions du rocher)
- Patañjali « yoga-sûtra ».Traduction et commentaires, F. Mazet (spiritualités vivantes)
- Swami Satyananda « Hatha-yoga Pradipika » (éditions Satyanandashram)
- André Padoux « Comprendre le tantrisme » (spiritualités vivantes)